vendredi 3 juin 2011

"Le Prince" de Machiavel.


"(...) Parce que des hommes, on peut généralement dire ceci, qu'ils sont ingrats, inconstants, simulateurs, et dissimulateurs, fuyards devant les périls, avides de gains ; et tandis que tu fais leur bien, ils sont tout à toi, ils t'offrent le sang, les biens, la vie et les fils, comme j'ai dit ci-dessus, quand le besoin est éloigné ; mais quand il s'approche de toi [le Prince], ils se détournent ..."

"Le Prince" de Machiavel fut écrit en 1513. C'est un manuel au service du Souverain pour garder le pouvoir, parfois aussi au détriment du peuple. Pour les uns Machiavel est solaire et clairvoyant, pour les autres diabolique et courtisan. Le contexte dans lequel cette œuvre a été écrite touche simultanément à la vie de l'auteur et à la crise politique qui traverse les petits royaumes d'Italie. Premièrement, Machiavel fut chassé de la chancellerie de Florence ; après avoir été accusé de conjuration contre le cardinal Giuliano de Medecis, il fut emprisonné, torturé, puis libéré et placé en résidence surveillée dans sa petite propriété privée. C'est dans ce contexte personnel que Machiavel écrivit "Le Prince". Secondement l'Italie était confrontée d'une part à l'instabilité de ses institutions politiques et d'autre part à des invasions étrangères barbares et puissantes. Dans ce contexte de crise "Le Prince", texte destiné au Prince Laurent de Medicis, est un appel au redressement des royaumes d'Italie et à la guerre contre les invasions étrangères. L'originalité de cette œuvre est d'aborder la question politique en dehors de toute considération morale. Le souci de Machiavel est d'expliquer de manière réaliste et objective les mécanismes du pouvoir politique en faisant prévaloir la raison d' Etat sur toute autre considération éthique. Dans cette optique Machiavel est considéré comme l'un des pères fondateur de la Science Politique dont l'étude méthodologique appréhende le politique comme un fait de nature scientifique. La question centrale de cette œuvre est de savoir qu'est-ce qu'un "principat" (une royauté ou Cité-Etat), quelles en sont les différentes espèces, comment s'acquièrent-ils, et comment ils se maintiennent ? Le conseil d'importance majeure que Machiavel donne au Prince est celui de l'indépendance. Pour cela il faut créer une armée indépendante pour défendre la cité. Le Prince doit appuyer sa force militaire sur une armée du peuple, plutôt que sur une armée de mercenaires, qui se battent non pour l'amour de la patrie, mais en échange d'un salaire. Le peuple est la composante essentielle sur laquelle se fonde le pouvoir politique du Prince. Pour cela il doit susciter de l'amitié et non de la défiance ou de la haine. Inversement le Prince doit aussi être proche des grands du royaume parce qu'ils peuvent conspirer contre lui et provoquer sa ruine. Le pouvoir royal doit trouver un juste équilibre entre le peuple et les grands du royaume, car le premier a pour lui le nombre et la force physique, tandis que les seconds voient plus loin et sont plus rusés que le peuple. Les grands du royaume ont pour désir de commander, diriger et opprimer. Tandis que le peuple a pour désir de ne pas être commandé, dirigé et opprimé, et si possible il souhaite prendre part lui aussi au pouvoir à travers les décisions et les délibérations politiques de la Cité. Machiavel emploie un terme pour désigner ces désirs ou passions contradictoires : celui d'humeurs politiques. Il est illusoire de vouloir réconcilier les différentes humeurs politiques du peuple et des grands de la Cité, parce qu'elles sont antagonistes et radicalement opposées. Le mélange des humeurs dans la Cité peut mener "le principat" soit à la coexistence pacifique soit à la désunion sanglante. Le Prince doit se montrer attentif aux aspects très affectifs et passionnels de la politique en suscité l'amitié de ses sujets plutôt que la haine. Cependant la nature humaine étant capricieuse et changeante le Prince peut provoquer sa ruine en cherchant à faire le bien uniquement par le biais d'actions pitoyable et pathétiques. Pour ne pas susciter le mépris de ses sujets le Prince doit savoir aussi susciter de la criante en se montrant parfois monstrueux et sanguinaire. Parce qu'ils sont ingrats, perfides et lâches, les hommes se montreront plus craintifs et obéissants si le Prince sait en temps voulu user d'inhumanité et de cruauté. Le portrait du Prince que brosse Machiavel est donc une image ambivalente de bienveillance et de cruauté pouvant se montrer tout à la fois humaine et inhumaine suivant la nécessité des circonstances. Le meilleurs conseils à donner au Prince est de toujours susciter la crainte, mais jamais la haine. Pour cela le Prince doit se mettre en scène et véhiculer une image écran ayant l'apparence de la vérité, mais derrière les apparence factice comme un décor en carton pâte. Derrière l'image du Prince se trouve une réalité insondable et plus sombre qui est celle de la raison d'Etat, placé au delà des traditionnelles considérations morales. Le Prince doit faire le bien pour gouverner, du moins en apparence, mais il doit aussi savoir entrer dans le mal et s'en retirer dès que la situation l'oblige. Pour Machiavel le temps terrestre est corrélé au temps céleste. C'est à dire qu'il existe une corrélation entre les évènements qui se déroulent sur terre et les signes qui apparaissent dans le ciel. Cependant les hommes ne parviennent pas toujours à les comprendre. Une action pleine d'ardeur et d'énergie aura plus d'efficacité qu'une action lâche et paresseuse. Pour cela le Prince doit faire preuve de la plus haute vertu. En cela le Prince doit imiter les hommes de grande vertus tels que Thésée le fondateur de la Cité d'Athène, Romulus le créateur de la Cité romaine ou Moïse celui qui a libéré le peuple juif de la captivité par l'intermédiaire de Dieu. Le Prince selon Machiavel doit être fort comme le lion et rusé comme le renard.

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